Paris, des écoles privées remplacées par des HLM ?
Paris, des écoles privées remplacées par des HLM ?
La mairie de Paris voudrait-elle remplacer, via son Plan Local d’Urbanisme (PLU), des écoles privées par des HLM ? Prévoirait-elle de transformer sept écoles privées en logements sociaux ? Eclairages.
La municipalité bûche actuellement sur son prochain PLU. Elle a identifié 937 emplacements susceptibles de devenir des « zones réservées pour le développement de logements spécifiques, notamment des logements sociaux (LS) ou des logements en bail réel solidaire (BRS) ». Puis les fonctionnaires de la ville de Paris ont “pastillé” des bâtiments de plus de 1 000 m2. Et dans cette liste figurent sept établissements d’écoles privées sous contrat avec l’Etat.
Des contraintes en cas de projet de construction
Ce que cela veut dire : en cas de projet de construction, de rénovation significative ou encore d’agrandissement et de surélévation, ces écoles seront contraintes d’affecter une part de leur surface (de 30 à 100 %) à des logements sociaux. Rien n’est encore gravé dans le marbre puisque l’approbation du PLU est soumise au vote définitif au Conseil de Paris prévu fin 2024.
La ville de Paris cherche donc à concocter une drôle de recette, qui mélange deux ingrédients dont on comprend mal l’assemblage : le logement social d’une part et les projets de développement de ces écoles d’autre part.
Paris dépasse l'objectif de la loi SRU
Un point tout d’abord sur la situation de Paris vis-à-vis du logement social. Le journal “Le Parisien” indique dans son édition du 18 juin 2023 que 25,4 % de logements sociaux sont financés dans la capitale. Depuis 2001, la ville est ainsi passée de 13,4 % de logements sociaux à 23,3 % en 2022 (soit 264 854 logements). Au-delà donc de l’objectif de 20 % minimum fixé par la loi de Solidarité et de renouvellement urbain (SRU) en 2000. Si l’on prend en compte les logements sociaux financés et qui seront livrés d’ici trois ans, le taux atteint même 25,4 %.
L'article 55 de la loi SRU dispose que toutes les communes de plus de 3 500 habitants (1 500 en Île-de-France), situées dans une agglomération d'au moins 50 000 habitants, doivent disposer d'ici 2020 d'au moins 20 % de logements sociaux dans leur parc de résidences principales. Paris est donc au rendez-vous. Et c’est là que l’on ne comprend plus. Que la municipalité souhaite aller au-delà de l’objectif RSU, on peut en discuter, mais la décision est prise par des élus, et il faut la respecter. En revanche, pourquoi avoir pastillé ces 7 établissements scolaires privés ? Si le taux de logements sociaux à Paris était de 10%, on comprendrait une mobilisation générale. Mais là, quelle est l’urgence à utiliser des bâtiments et espaces conçus et utilisés pour l’enseignement à d’autres fins ?
Concrètement, quelles conséquences pour ces écoles ?
Qui sont les établissements d’enseignement “pastillés” par la mairie de Paris : Saint Jean Gabriel (IVe), Saint Eloi (XIIe), Sainte Clotilde (XIIe), Saint Michel de Picpus (XIIe), Saint Vincent de Paul (XIIIe), Notre-Dame de France (XIIIe) et Saint Michel des Batignolles (XVIIe). Concrètement, si l'un de ses établissements doit réaliser des travaux d'extension, ce qui arrive régulièrement pour s'adapter aux normes, il devra convertir entre 30 et 100% de cette nouvelle surface en logement social. En cas de vente des locaux par le bailleur, la mairie pourrait également exercer un droit de préemption au détriment du diocèse si celui-ci souhaitait se porter acquéreur.
On entrevoit deux raisons pour lesquelles un de ces établissements entreprendrait des travaux de rénovation : soit pour se mettre à niveau par rapport à des normes de plus en plus strictes, soit pour mettre leurs locaux en adéquation avec leur projet scolaire. Si le PLU est voté, c’est une contrainte supplémentaire pour l’établissement scolaire.
Prenons un exemple : un lycée souhaite développer une classe de plus dans sa filière technologique. L’Education nationale a émis des recommandations sur la taille de la salle de classe (guides « Bâtir l'École », préconisations de dimensionnement d’une surface minimale de 60 m2 pour une salle de classe). Cela veut dire que pour chaque salle de classe, il faudra prévoir de construire un studio de 20 m2 dans les plans. Dans notre exemple, nous avons trois salles de classe supplémentaires, soit trois studios à construire en logement social. Ces trois studios devront-ils partager l’accès aux portes avec les salles de classes ? Il est probable qu’il faille distinguer l’accès aux logements. Cela veut dire qu’il faut bâtir une cage d’escalier distincte, voire une porte d’accès au bâtiment, voire un bâtiment autonome… Comment concilier cela avec les espaces extérieurs des écoles : les trois studios devraient se construire au détriment de la cour de récréation ?
Si le projet pédagogique ne peut évoluer, une solution : quitter Paris
Qui n’aurait pas envie de simplement jeter l’éponge et ne plus proposer de classes en plus à Paris ? Toutefois, comme le montrent les chiffres, Paris a déjà perdu 150 000 habitants depuis dix ans. Des classes ferment et les familles ont compris qu’elles pouvaient “traverser le périph’” pour y vivre, voire pour y envoyer leurs enfants au lycée. Va-t-on assister à un phénomène de développement des écoles aux portes de Paris ?
La Mairie de Paris va certainement pouvoir utiliser les prochaines semaines pour partager les études d’impact de telles décisions. En effet, Paris peut tirer une certaine fierté des résultats des établissements scolaires présents sur son territoire. Les équipes pédagogiques - dont nous saluons la motivation et l’engagement - sont déjà soumises à de nombreuses pressions locales : les loyers sont chers pour les enseignants, payés de la même façon que dans d’autres villes, la vie courante n’offre que peu d’arbres et de moments dans des espaces verts… Pourquoi ajouter des contraintes supplémentaires auprès des personnels et professeurs dans des établissements scolaires ? Les raisons de la Mairie méritent d’être explicitées, afin que nous puissions tous comprendre.
Les établissements scolaires - privés comme publics - sont un atout d’attractivité pour une ville : une offre d’enseignement qui se raréfie, au-delà des attaques vis-à-vis des professeurs, est aussi une réduction de la qualité proposée par une ville. Comme vous, nous attendons de découvrir les études d’impact de la Mairie de Paris et les motifs rationnels de ce projet.