Le numérique à l’Ecole - Interview de Yann Perlemoine, professeur de SVT
Le numérique à l’Ecole - Interview de Yann Perlemoine, professeur de SVT
Dans cet article, nous avons demandé à Yann, professeur de SVT, de nous livrer comment il tire parti du numérique dans sa pédagogie
Dans le cadre de notre blog sur le numérique à l’Ecole, nous souhaitons réaliser des interviews d’enseignants pour qu’ils nous présentent un retour d’expérience de leur utilisation du numérique dans un cadre pédagogique. Aujourd’hui, pour notre premier article, nous rencontrons Yann Perlemoine, professeur de SVT collège et lycée, depuis 2015 en région parisienne. Cet article formalise nos échanges.
Si vous êtes enseignants et souhaitez partager à nos lecteurs votre expérience, n'hésitez pas à nous contacter !
Image produite avec Canva en moins de 5 minutes
Nous vous rencontrons dans le cadre d’un retour d’expérience sur le numérique à l’école, d’où vient cet attrait pour l’informatique ?
Cet intérêt fut un peu soudain. J’étais vraiment très loin de l’informatique plus jeune. C’est dans le cadre de mon travail que j’ai pu progresser, seul sur mon temps libre, en essayant d’exploiter autant que possible le potentiel des ordinateurs et d’Internet.
Je me suis notamment rendu compte que le numérique était au moins autant un sujet d’état d’esprit que de compétence. C’est ce que j’essaye d’apprendre à mes élèves. Par ailleurs, je leur transmets principalement les fondamentaux requis par l’Education Nationale et je les encadre et leur donne de la méthode s’ils souhaitent aller plus loin.
Etes-vous particulièrement technophile ? Si non, est-ce un frein ?
Je ne suis pas vraiment technophile, mais ce n’est pas du tout un frein. En effet, je suis très curieux de nature. Par tâtonnement, j’ai découvert de nouveaux usages, de nouvelles connaissances numériques et de nouvelles méthodes éducatives qui motivent et intriguent beaucoup les élèves.
Dans un cadre pédagogique, j’ai une vision pragmatique de l’utilisation du numérique avec mes élèves. Je dois sans cesse mettre en balance l’utilité et les avantages d’un outil par rapport à ses inconvénients par exemple :
- quel impact sur la montée en compétence de mes élèves
- quelle connexion entre les outils numériques et les notions pédagogiques. En effet, des outils fonctionnent pour une certaine notion mais pas toujours pour d’autres
- un outil dans un contexte spécifique est-il une source de distraction ou a-t-il un réel intérêt pédagogique?
Si l’on vous parle de numérique à l’école, pouvez-vous nous citer 3 outils que vous utilisez en tant qu’enseignant ?
- Il y a d’abord Canva, un outil de création de supports pédagogiques très visuels et très simple d’utilisation (c'est le logiciel utilisé pour produire en moins de 5 minutes l'image de couverture)
- Je dois aussi mentionner Genially (outil présenté dans le paragraphe suivant)
- J’utilise souvent des sites du style LearningApps qui recensent des mini-jeux numériques éducatifs pour tout niveau scolaire. D’ailleurs, il est possible d’utiliser du contenu existant et le modifier selon nos besoins pédagogiques en quelques clics
- Je suis en train d’expérimenter un nouvel outil qui s’appelle Kahoot, qui permet de créer des quiz très interactifs et ludiques. Mon premier retour d’expérience est mitigé à ce stade car la gamification et l’aspect compétitif est une super source de motivation pour mes élèves et permet de réaliser des évaluations diagnostiques et formatives dans un environnement bienveillant pour eux. Mais je trouve que la version gratuite est un peu limitée en fonctionnalité, ce qui est un frein dans les usages que je souhaiterai mettre en oeuvre en SVT.
Pouvez-vous nous présenter Genially ?
Présentation de l’outil
Genially est un outil qui permet de créer des visuels et contenus interactifs. Contrairement à un Powerpoint qui s’anime page après page, un contenu Genially permet une navigation sans linéarité.
Une image vaut mieux que 1 000 mots, voici un exemple de Genially :
Dans un cadre pédagogique, cette application me permet d’animer des travaux pratiques, des études de documents et des exercices de manière un peu plus ludique. En effet, je peux créer, à la manière d’un escape game, une scénarisation pour chaque usage : par exemple la réponse à plusieurs questions peut permettre de débloquer une nouvelle zone de contenu ou de questions, une image, une vidéo, un quiz ... Les élèves peuvent donc naviguer sur le Genially en autonomie et à leur rythme, selon leur niveau.
Méthode de construction d’un Genially
Pour qu’un Genially fonctionne avec les élèves, il faut combiner intérêt pédagogique et créativité. Ce n’est pas un simple copier/coller esthétique d’un cours, sinon ça n’a pas beaucoup de valeur, ni pour eux ni pour moi.
Genially est relativement simple à prendre en main, pour faciliter la montée en compétence de ses utilisateurs, Genially propose une bibliothèque de modèles et de contenus déjà créés par d’autres enseignants (il existe sur les réseaux sociaux des catalogues qui recensent des Genially pour toutes les matières existantes). De plus, il y a aussi beaucoup de tutos sur Internet. Néanmoins les premières créations prennent légitimement plus de temps. Pour commencer, je recommande de vous appuyer sur des modèles, cela vous permettra de monter en compétence et au bout d’un certain temps, de pouvoir créer de zéro un Genially.
L’une des rares contraintes de Genially et de réalisation d’un escape game pédagogique, est matérielle. L’idéal étant que les élèves aient des tablettes mais ça fonctionne bien sur ordinateur. Par ailleurs, pour un escape game, il vaut mieux le réaliser en demi-groupe avec une quinzaine d’élèves, former des équipes et les laisser travailler en autonomie.
Impacts sur les élèves
Quand j’utilise Genially et que je vois comment les élèves se mettent très rapidement au travail, sont stimulés et réussissent, c’est très motivant pour moi. Par ailleurs, ça les fait travailler sans qu’ils se fatiguent, ils ne voient pas le temps passer et sont souvent surpris quand la sonnerie retentit. On ne peut pas toujours innover mais lorsque c’est pertinent : ça fonctionne toujours.
C’est rarement 100% des élèves qui adhèrent mais pas loin. Par exemple, ce qui est intéressant c’est que j’arrive à captiver des élèves que je n’arrivais pas à faire percuter avant. Et au contraire des élèves au profil plus scolaire peuvent prendre plus de temps à rentrer dans l’exercice, mais ça a un vrai avantage pour eux car cela a un intérêt cognitif : le développement de l’apprentissage par interaction.
Toutefois, cela peut se corser lorsqu’il s’agit de faire de la différenciation et de s’adapter à chaque individualité. A 35 élèves, ça relève de l’impossible, en plus d’être chronophage, mais on nous demande de plus en plus de le faire.
Lorsque je fais de la différenciation, je catégorise les élèves en 6 ou 7 profils et j’essaye au mieux de m’y adapter. Par exemple, je les fais travailler en équipe si la notion est dure à appréhender. J’essaye aussi de vulgariser un peu pour les intéresser et au maximum de les rendre acteurs du cours. Il faut aussi s’adapter à leurs humeurs. Le matin c’est souvent plus facile, tandis que l’après-midi, ils vont plus avoir tendance à se disperser.
Indépendamment du numérique, être enseignant nécessite de faire son autocritique. Les échecs peuvent arriver, ce n’est pas grave, il faut les factualiser et continuer de s’améliorer en continu. Parfois une réussite avec une classe devient un échec avec une autre classe. Ça peut être source de déception mais ça permet de progresser !
Réalisez-vous de la formation inversée avec vos élèves ?
Oui, je commence à en faire et les outils numériques m’aident dans ce projet. Par exemple, j’ai demandé à mes élèves d’enregistrer en vidéo ou en podcast, une conférence sur la thématique du climat. Ils étaient à fond, tout le monde a joué le jeu et certaines productions étaient très créatives et originales. Une fois que j’ai reçu toutes les présentations de mes élèves, j’ai fait un montage vidéo des meilleures séquences et l’ai montré en cours. Tous les élèves ont apprécié et maîtrisé la notion.
Cet exercice d’enregistrement les a, par ailleurs, obligé à se structurer, à cadrer leur contenu avant de se filmer.
D’après vous, existe-t-il des limites à l’utilisation du numérique à l’école ?
Oui, la principale est la répétition de l’utilisation d’un logiciel ou d’un outil, quel qu’il soit. Cela finit par le normaliser pour les élèves, et donc réduit leur d’intérêt.
De plus, il faut qu’il y ait un réel intérêt pédagogique à l’utilisation d’un logiciel pédagogique. Surtout quand il est nécessaire d’utiliser les smartphones des élèves, sinon ils peuvent vite faire autre chose avec.
Vous préfériez vos conditions d’enseignement il y a 7 ans ou maintenant ?
Maintenant sans aucun doute car je peux multiplier les supports : j’évite la routine.
De plus, quand je vois les élèves motivés ça me motive encore plus. J’ai moins l’impression de travailler, c’est satisfaisant. C’est chronophage certes, mais je ne vois pas le temps passer quand je conçois un Genially chez moi et heureusement que j’ai ma famille pour me dire d’arrêter.
D’après vous, quel état d’esprit un enseignant doit-il avoir s’il veut se former ou intégrer partiellement ou pleinement le numérique dans sa pédagogie ?
Il doit ne pas avoir peur et il doit avoir envie de transmettre à l’élève tout en restant à leur écoute. Il ne faut surtout pas se limiter à son propre avis lorsque nous étions nous-mêmes élèves. En bref, être ouvert d’esprit. Une grande partie des élèves se sentent obligés d’être là, donc il faut réussir à les intéresser.
Merci Yann et bonne continuation !