Le numérique à l’Ecole - Interview de Laetitia Gauchet, professeure d’Espagnol
Le numérique à l’Ecole - Interview de Laetitia Gauchet, professeure d’Espagnol
Dans cet article, nous avons demandé à Laetitia, professeure d'Espagnol, de nous livrer comment elle tire parti du numérique dans sa pédagogie
Dans le cadre de notre blog sur le numérique à l’Ecole, nous souhaitons réaliser des interviews d’enseignants pour qu’ils nous présentent un retour d’expérience de leur utilisation du numérique dans un cadre pédagogique. Aujourd’hui, pour notre deuxième article, nous rencontrons Laetitia Gauchet, professeur d’espagnol collège et lycée, depuis 2011 en région parisienne. Cet article formalise nos échanges.
Si vous êtes enseignant et souhaitez partager à nos lecteurs votre expérience, n'hésitez pas à nous contacter !
Image produite avec Canva en moins de 5 minutes
Bonjour Laetitia, d'où vient votre attrait pour le numérique ?
Au début de ma carrière, l’environnement informatique était moins facilement appréhendable. En effet, d’une part, j'ai suivi des formations informatiques, animées par des organismes tiers mais ces sessions étaient trop théoriques et trop loin de mes besoins. D’autre part, les logiciels étaient souvent couplés aux équipements des écoles. C’est à dire que le moindre dysfonctionnement sur un ordinateur ou sur le réseau Internet rendait souvent inutilisables les logiciels pédagogiques… ce qui était un frein à ma motivation d’utiliser le numérique dans ma pédagogie. Globalement, le numérique en classe faisait peur car nous étions trop dépendants des équipements de la salle.
Par chance, quelques années plus tard, des collègues ont pris l’initiative de créer, dans notre établissement, un petit groupe de travail pour échanger et s’entraider entre pairs. Par ailleurs, c’est à ce moment que de nombreuses applications pédagogiques se sont développées. Leur point fort est qu’elles n'étaient pas liées à un matériel spécifique mais utilisable depuis n’importe quel ordinateur ou tablette, à la maison, dans l’établissement ou à distance. C’est à ce moment que j’ai compris que l’informatique avait changé et que maintenant : “le numérique, ça fonctionne !”. Et c’est un nouveau principe que je veux partager à tous mes collègues.
Dans cette optique et depuis un an, nous sommes allés plus loin, avec un groupe de cinq enseignants, en créant des ateliers d’innovation numérique. Leur principe est d’identifier en début d’année des besoins pédagogiques concrets, de trouver des solutions et de les expérimenter avec les élèves. Nous accompagnons ensuite nos collègues dans la prise en main de ces nouveaux usages, lors de la journée pédagogique de fin d’année et celle de début d’année.
Cette initiative a un grand succès, les enseignants l’apprécient beaucoup. Lors de la précédente journée pédagogique de fin d’années, mes collègues sont venus par curiosité. Puis ils se sont pris au jeu et ont vu le potentiel du numérique. A la rentrée, ils sont revenus me voir pour me montrer ce qu’ils avaient préparé pendant les vacances !
Si l’on vous parle de numérique à l’école, pouvez-vous nous citer des outils que vous utilisez en tant qu’enseignant ?
Mes principaux outils numériques sont :
- PowerPoint, qu’on ne présente plus
- Sway (outil présenté dans le paragraphe suivant)
- Kahoot, un logiciel permettant de créer des quiz d’évaluation formative. Ces quiz sont très interactifs et ludiques
- Canva, un outil de création de supports pédagogiques très visuels et très simple d’utilisation sans compétence technique
Pouvez-vous nous présenter Sway ?
Présentation de Sway
Sway est un logiciel de la suite collaborative Microsoft 365. Il permet de créer des supports consolidant de multiples contenus de la même manière qu’un site internet (si vous voulez en savoir plus sur Sway, nous vous recommandons cet article). De multiples contenus sont intégrables à un Sway : du texte, des citations, des quiz Kahoot, des contenus audiovisuels et iconographiques…
Pour ma part je l’utilise comme outil de différenciation pédagogique pour les cours les plus complexes (pas pour tous les cours) :
- en amont d’un cours pour éveiller la curiosité des élèves
- en aval pour que les élèves puissent appréhender les concepts et s’exercer
Je ne force pas mes élèves à l’utiliser, ils sont libres de le parcourir en autonomie en dehors de l’établissement. Ce support reste complémentaire à mes supports “classiques” produits en classe.
En général, mes élèves l’utilisent sur leur smartphone à la maison, dans les transports, avant de se coucher…
Sway n’est néanmoins pas parfait. Je lui reproche ses designs un peu à l’ancienne, la pauvreté de la bibliothèque de polices et même si on peut collaborer à plusieurs en même temps sur un Sway, l’utilisation à plusieurs n’est pas très ergonomique. Mais cela risque d’être amélioré dans les prochaines années. Au moins c’est très simple d’utilisation de manière individuelle et c’est un réel avantage.
Votre investissement à l’utilisation de Sway
Même si ça me prend un peu plus de temps de les produire car il faut réfléchir à la cohérence et créer une autre façon d’appréhender un cours… je ne vois pas le temps passer, c’est agréable, cela me fait sortir de mes habitudes et je sais que cela a un impact positif sur mes élèves.
Par ailleurs, comme j’en conçois environ une fois par mois, ça ne me prend, au final, que très peu de temps. Il y a également de nombreux contenus libres de droit disponibles sur Internet, et notamment des quiz, que je peux réutiliser “à ma sauce”. Ce qui me fait également gagner du temps.
Impact sur les élèves
Globalement, cette méthode est un bon outil de différenciation, elle convient à de nombreux élèves qui se sentent rassurés à le parcourir : c’est le fil d’Ariane de mon cours. J’ai vu une véritable différence sur la motivation et la participation. Avec cet outil, ils s’exercent en autonomie sans que je leur demande ! Cela me permet également de mieux identifier et accompagner ceux qui sont en difficulté.
Plus précisément, en amont d’un cours, le Sway éveille la curiosité des élèves. Ils s’impliquent, en autonomie, à préparer le cours et en classe ils ne sont plus focalisés sur leur manuel, ont les yeux levés, cela crée une cohésion nouvelle en classe. Par ailleurs, certains qui ne participaient pas avant, vont maintenant plus facilement oser prendre la parole car ils arrivent en classe avec des premières notions.
A ce stade, j’utilisais les Sway de manière descendante et intéractive. Je vais tester cette année de faire collaborer les élèves dans la création de contenu avec Sway.
Avez-vous prévu d’expérimenter une nouvelle pratique pédagogique cette année ?
Oui, je vais mettre en place de la formation inversée. Je vais partager à mes élèves plusieurs contenus sur une notion du programme pas encore étudiée (via un Sway) et je vais leur demander de venir l’expliquer en classe aux autres élèves. Je prévois que les élèves seront sûrement perdus car c’est un exercice nouveau pour eux, ils vont devoir se mettre dans une posture d’enseignant, mais je suis sure qu’ils vont vite apprendre.
D’après vous, quel état d’esprit un enseignant doit-il avoir s’il veut se former ou intégrer partiellement ou pleinement le numérique dans sa pédagogie ?
Il faut toujours garder sa personnalité. Cela ne sert à rien de se lancer en se disant “j’en fait car c’est la mode”. Il faut commencer par faire des choses simples, de se dire qu’est ce que je vais en faire, est-ce un outil utilisable avant, pendant ou après le cours…
Par ailleurs, c’est plus facile de se lancer quand on est plusieurs. Donc il ne faut pas hésiter à créer un groupe de plusieurs enseignants, de se parler, de collaborer…
D’après vous, existe-t-il des limites à l’utilisation du numérique dans l’enseignement ?
Le numérique apporte un aspect ludique à notre pédagogie. Il est néanmoins très important de mélanger l’enseignement avec le numérique et l’enseignement traditionnel. A petite dose, le numérique captive mais si on l’utilise trop souvent, il finit par lasser les élèves. Dans cette optique, certaines semaines, je n’utilise aucun outil numérique.
La limite est donc dans la répétition, il faut trouver la juste limite pour ne pas sur-solliciter les élèves
Par ailleurs, à ce stade, je ne suis pas pour que les élèves aient tout le temps leur propre ordinateur en classe. C’est un vecteur de déconcentration, il y a trop d’évasions possibles. Par contre, pas de problème pour une utilisation ponctuelle mais cela demande de la préparation pour l’enseignant pour cadrer cet exercice.
Vous préfériez vos conditions d’enseignement d’il y a 7 ans ou maintenant ?
Je préfère maintenant car d’une part j’ai plus d’expériences mais aussi car les “nouveaux usages numériques” permettent d’être plus efficaces, donner plus de dynamisme à certains cours (surtout pour les cours les plus complexes) et d’attirer plus simplement les élèves sur un sujet
Merci Laetitia et bonne continuation !